BLEU

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Bleu (nager)

Une vie en camaïeu de bleus

Accepter de partir

RPI

Le chemin de la carrière

C'est ainsi...

Carnet d'adresse

Juste le temps d'un frisson

Il y a du monde autour   de toi

Résignations 2

Rouge

Instant bleu

Quadra's blues

Passeurs de rêves

Camarade

L'horizon, tu le vois, là bas?

à nos soirs 

Vallée frontière

A quoi ça sert?

Voyages sur l'île Terre

Lorsque tu reviendras

Certitudes d'août

 

 

 

Bleu (nager)

 

Deux fois déjà il m'a demandé: « et toi, comment tu vas? ». Deux fois j'ai repoussé la perche avec fierté: « tu vois, ça va, je nage toute seule, aucun problème! »

 Mais comment nager sans arrêt sans s'épuiser? Je m'arrête une seconde, juste le temps de souffler, arrêt volontaire, ou imposé, qu'importe, je coule! Je n'ouvre pas la bouche pour crier, ça m'évite de boire une tasse chlorée, j'attrape la perche, depuis la rive patiemment tendue, malgré mes précédents refus.

 Ouf, repos! Ne lâche pas ami, il en va de ma survie! J'espère ne pas être trop lourde, au bout de tes bras ne pas trop peser de mes mots plombés.

 Je reste accrochée, l'eau porte le reste du poids de mon corps, je peux souffler. Une fois mon souffle retrouvé, je peux doucement te dire les mots qui vers le fond me tirent. Un à un, doucement, tu écoutes, tu entends, tu ne dis rien, c'est pas le but. Je n'attends ni solution, ni compassion, peut être un peu de compréhension, l'approbation aussi, j'aime bien.

 Du poids des pensées je vide mon corps, et le courage, les forces, l'amour de la vie, emplissent l'espace libéré. Ainsi tenue, soutenue, je peux en toute confiance fermer les yeux pour regarder  l’avenir s'esquisser: bassin chauffé, aseptisé, surveillé, peut devenir rivière sauvage aux rives embroussaillées, je sais les amis près de moi, attentifs. Même si mon chagrin n'est pas avouable, ils ne me laisseront pas me noyer.

  

 

Rivière a un destin, un jour se jettera dans la mer, ce jour il me faudra seule nager, jusqu'à la fin, vers l'horizon.

 

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Une vie en camaïeu de bleus

 

C'est peut-être à tenter: écrire mes rêves bleus nuit, ou oser même une utopie bleu ciel, ensuite la vie dispose, compose, avec tous les éléments, une réalité bleu clair, notre réalité.

 

Rêve bleu nuit:

Elle trouve un courrier passionné. Aucun doute possible, c'est trop précis, trop circonstancié pour être une fiction, un texte ou une composition. Non, c'est une lettre, avec toutes ses imperfections et sa spontanéité. Elle lit, elle comprend. Le premier choc passé elle se met à relire les événements de ces dernières années à la lumière de ce nouvel élément. Et tout devient limpide, logique.

Elle appelle son homme, lui met la lettre sous le nez, inutile de nier. Puis elle lui dit d'assumer, de partir tenir son rôle auprès de cette fille dont il a, même si c'est en bien, bouleversé la vie.

Quelles seront les conséquences? La dislocation de tout un microcosme? Tout reprendrait-il sa place une fois le choc passé?

 

Peut-être qu'elle réfléchit, pardonne jusqu'à l'oubli, accepte le partage. Honnêtement je crois que c'est ce que j'aurais fait, donc d'autres femmes doivent bien en être capables? Maintenant qu'elle sait, elle te laisse me donner du temps, ouvertement mais discrètement. Ma reconnaissance étant sans limite elle s'assure un soutien sans faille, pour elle comme pour toi.

 

Ou peut-être qu'elle craque, marre de cette vie, part en voyage, longtemps, chercher une existence qui serait pour elle plus forte, plus vraie. Quand elle revient elle comprend que tu ne l'aie pas attendue.

 

Quelques soient les raisons, revenons au premier scénario. Tu t'installes chez moi. Passé le tremblement de terre, les copains ne disent rien. Nous n'avons à subir que des silences lourds de désapprobation, d'étonnement, ou de compréhension, voire d'inavouable admiration. C'est selon.

Tu es là. Tu vis avec moi. D'abord en l'absence des enfants, puis prendre un repas, passer une nuit. Puis tout le temps. Je dis aux enfants que rien ne changera pour eux. Juste tu seras là, c'est tout.

 

Acceptes-tu mon bazar? Je crois que tu t'en moques, le problème est plutôt où mettre le tien?  J'achète des étagères, une armoire, je fais du tri, je donne, je range. Tu gardes tes activités, tu es souvent absent, mais je n'en souffre pas, habituée à pire, je savoure au contraire le bonheur de ta présence! Je reste légère, te laisse libre de tes horaires et allées et venues. Une convention entre nous, demander « où tu vas, quand tu rentres » est tabou. Tu partages le lieu de vie, donc son entretien, parce que tu es droit et logique. Ça me soulage et me stimule mais je n'attends et ne revendique rien. Habituée à tout faire seule, tout coup de main est un « plus » bienvenu. Tu restes très présent à ta famille et bien sur je ne dis rien, j'héberge avec plaisir aux vacances tes petits enfants, et j'invite ta sœur à dîner. Culinairement elle y perd!

 

Suis-je prête à ces changements? Oui, je grandis encore tout en restant moi.

 

Avec « elle » comment ça se passe? Elle passe me voir un jour. Me fait subir un véritable interrogatoire: depuis quand? Pourquoi? Elle veut tout savoir. Ai-je divorcé à cause de toi? Mon mari l'a t-il su? Je lui dis ma culpabilité vis à vis d'elle, je lui dis mon amitié, mon désir de ne pas la faire souffrir. Puis je lui dis mon bonheur, la chance d'avoir rencontré son homme et ce que tu  as illuminé de ma vie, ma conviction que nous avons toutes les deux la mission de te rendre heureux, en complémentarité.

Je ne sais pas si elle comprend. Elle ne m'en veut pas à moi, elle me l'a déjà dit: la responsabilité chacun envers son conjoint et uniquement envers son conjoint. Elle comprend certains de mes agacements et certaines de mes paroles. Elle ne comprend pas comment je peux y trouver mon compte. Et l'avenir? me dit-elle.

 

L'avenir? C'est quoi l'avenir? Habituée à une vie tronçonnée en segments de quelques mois, cette notion m'est éloignée. Demain je peux mourir. Avant elle, avant toi. Alors... c'est au présent qu'il faut vivre.

 

Toujours dans mon rêve bleu, je suis fatiguée, mais tu acceptes et comprends, bien que tu sois habitué à un tourbillon d'activités. Tu n'as jamais vu quelqu'un passer autant de temps que moi à se reposer, à lire, à écrire, à penser et à rêver. Ça te repose aussi, ça te disculpe de prendre du temps pour toi. Ah oui, j'achète une télé, bon, tu paieras la redevance, car je n'ai jamais fait cette dépense, à moins que j'ai envie de te faire ce cadeau. Tu regardes matchs et émissions. Je m'assoie près de toi, ma tête sur tes genoux, tu caresses ma tête. Je suis bien, je souris.

Je me couche tôt. Le matin je fais attention de ne pas te réveiller quand je me rallonge avec mon bol de café. Je t'embrasse doucement quand c'est ton heure. Le café t'attend, sans chicorée. Nous partageons quelques instants complices avant de démarrer nos activités.

Le midi je suis pressée. Je pourrais être tentée de te confier la responsabilité du repas. Mais non, surtout pas. Je me débrouillais bien avant. Une boîte de secours pour les affamés trop pressés qui doivent repartir en cours, sinon, je réchauffe un reste. Je ne compte pas sur toi non plus pour garder mes enfants. D'abord ils sont grands.

 

Pour moi pas de grands changements, que du « plus », que du bon. Ta présence, plus longtemps, plus souvent. Le partage d'instants du quotidien quand les nuits et les repas de nos emplois du temps concordent.

 

Mais pour toi?

 

Réalité bleue claire:

Pour toi, quelle perte! Quel changement! Tu passes d'une grande maison où tu avais de la place, un jardin, à l'exiguïté d'un appartement. Tu passes d'un statut respecté à celui peu enviable de partager la vie d'une précaire à peine au dessus du seuil de pauvreté. Car il va sans dire que tu laisses ta paie à ton épouse légitime, aucune raison qu'elle pâtisse encore plus de la situation.

Mais si tu as froid? Si je dois chauffer?

Quelle perte pour toi! Non, objectivement je ne peux pas te souhaiter ça. Tu ne peux pas vivre ça. Pour toi que tu « moins », du moins bien.

 

Jusque là je renonçais à mes rêves pour « elle », et parce que je sentais que tu ne le désirais pas toi, qu'elles que soient tes raisons.  J'y renonce aussi pour toi, le changement serait trop à ton désavantage. Sans compter le scandale, le regard des autres. Serions-nous prêts à l'assumer?

Tu es mieux dans ton jardin, près de ta vigne et tes rosiers.

 

J'ai même peur, réalité « noir tunnel », que si un jour elle nous découvre, tu renonces complètement à moi, plutôt qu'à ta vie, ton quotidien. Et ce ne serait pas de la lâcheté, mais de la sagesse.

 

Je reste la sacrifiée de l'histoire, mais il ne faut pas que je le prenne comme ça. Je suis devenue autre. Tu m'as donné la force du changement, le courage de m'approprier ma vie. La solitude, je l'apprivoise. Être seule a ses avantages!

 

Je ne peux vraiment pas te demander de tout changer comme ça. Je dois vivre comme si cette possibilité n'existait pas, comme si nous étions dans une société où jamais homme et femme ne vivaient ensemble. Ça n'arrive jamais, on n'en a même pas l'idée, donc comment cela pourrait-il nous manquer?

  

 

Utopie bleu ciel:

 C'est ainsi. Dès l'enfance on prépare les gens à la solitude. Les adultes se rapprochent, de temps en temps, le temps de s'aimer, parfois de procréer. Des amours libres et discrètes, espacées. Notre vie est la norme, une heure ou deux de temps en temps, en cachette, en secret, immense tabou sur les relations homme/femme.  Chacun dans sa maison. Seul dès l'entrée dans l'âge adulte. Les femmes avec les jeunes enfants. Les enfants aux femmes, sans que jamais on identifie de père. Cette notion n'existe pas, les enfants ont une mère et un géniteur. Les hommes investissent leur affection paternelle sur les enfants de leur compagne du moment. Du coup, pour compenser cette frustration on trouve énormément d'hommes dans les professions de l'enfance et du social. Peu de femmes par contre, elles ont leur dose à la maison, en charge seule de tous les enfants qu'elles font.

Pas de transmission des maisons ni des terres. À la mort d'un adulte tout est mis en vente. Les jeunes achètent. Pourquoi seraient-ils propriétaires de ce qui appartenait à leur mère sans avoir rien fait pour l'être, gratuitement?

Les femmes s'assument et assument seules les enfants. On ne dit de personne qu'il souffre de l'absence du père puisque personne n'en a. Cela donne des hommes doux. Les femmes limitent le nombre d'enfant et procréer n'est jamais un moyen de garder un homme. Ça leur complique la vie plus qu'autre chose, bien que financièrement une allocation correcte permette de les élever dignement.  Pas luxueusement, pas en achetant vêtements de marque et gadgets à la mode, mais simplement, de subvenir à leurs besoins, les faire garder ou ne pas travailler, au choix.

Les hommes ne doivent jamais rien aux femmes. Ni aide, ils ont leur propre logement et lavent leur propres chaussettes, ni argent. Ils ne sont que de passage dans la vie des femmes et ce sont elles qui maîtrisent la relation.

Ce sont elles qui font le premier pas, et le dernier. À l'homme reste tous les autres moyens: les ruses, les stratégies affectives...

Non, non, ça ne va pas. Quitte à créer une autre société, autant qu'elle soit mieux que la notre, marche arrière:

EGALITE: Hommes et femmes se rencontrent et se disent honnêtement, librement leurs sentiments et leurs envies. Ça peut-être: j'ai envie de toi pour une nuit car tu me plais physiquement et j'ai envie de faire l'amour. Ou bien, j'aime tes pensées, tes idées, tes mots, ton physique aussi, j'apprécierais un échange, assez complet, qui irait jusqu'à l'amour charnel, pour une durée indéterminée.

De vie commune on ne parle jamais, on ne sait même pas que ça peut être possible!

 

Sauf... dans la tête un jour d'une rêveuse un peu plus poète et imaginative que les autres. Un jour elle murmure à l'oreille de son homme:

j'ai envie de m'endormir près de toi, chaque soir

et de me réveiller près de toi chaque matin

j'ai envie de partager l'odeur du premier café

j'ai envie de t'attendre pour dîner, puis finalement de dîner seule parce qu'il est tard, et que pendant que tu dînes à ton tour, t'écouter raconter ta journée.

J'ai envie de faire un effort d'entretien pour que le lieu de vie te soit agréable.

J'ai envie...

 

Chut!! Tu m'interromps, tu mets ton doigt sur mes lèvres et les scelles d'un baiser juste posé. « mais que dis tu? De quoi tu parles? Ça ne s'est jamais vu, jamais fait! Tu ne te rends pas compte des bouleversements pour la société! Les hommes et les femmes se croiraient propriétaires l'un de l'autre, il n'y aurait plus aucune liberté sexuelle. Chacun serait en mesure de contrôler tout ce que fait celui qui vit avec lui. Il faudrait même inventer le mot pour le désignern tiens, je vois bien « marri » tellement cela me semble fâcheux comme organisation!! Réfléchis un peu au lieu de rêver...

 

Retour à la réalité:

 

Les enfants se chamaillent. Les ados tiennent tête. Je cours, je gère, je râle me lamente et crie pour qu'enfin ils entendent raison et obtempèrent. Non, je ne peux pas te faire subir ça. Tu as déjà donné, tu joues même parfois les prolongations, plus que la normale. À moi d'assumer, et seule, je ne veux pas de ce rôle là pour toi. Continuer de penser nos vies séparées par l'histoire.

 

Mais, rêve persistant, tu es là. Par quel processus, quelle volonté, quel hasard? On ne sait pas. Pour combien de temps, avec quel statut? Tu es là:

L'aîné en ta présence n'ose pas traiter les plus jeunes d'abrutis, et moi, sous ton regard aimant je ne leur dit pas « mais pourquoi a-t-on des enfants? Ils nous pourrissent la vie! » L'harmonie en ta présence revient. Cette sérénité qui me comble lorsque tu es là illumine maintenant ma vie à chaque instants, je suis pleinement, plus patiente, plus douce, et mes enfants ont tout à y gagner. Tu m'aides à rester ferme et juste, j'évite ainsi bon nombre de coups de blues. Juste parce que tu es témoin de ma vie.  Puis comme tu es libre, quand c'est trop pesant, rien ne t'empêche de  t'échapper.

Tu es là depuis quelques temps, peu importent les circonstances, dans mon appart, tu tournes en rond. Je décide de déménager. Pas loin, pas cher, mais un bout de terrain et une vue sur la montagne.

 

Comme je l'ai déjà esquissé tout à l'heure, cette société idéale a résolu le problème de la propriété: elle n'existe pas. Ou n'est en tout cas pas transmissible. Je voudrais approfondir ce point là, car toutes les structures de la famille en dépendent. Une personne et une seule, jamais un couple, chaque individu doit avoir son chez soi, loue ou achète un logement. Les prix sont accessibles et fonction des revenus. À la mort de cette personne l'Etat récupère le bien. Les enfants ont priorité au moment de la revente, ou relocation, toujours à un prix accessible. Posséder pour relouer est interdit. Seul l'Etat peut être propriétaire bailleur. Tout propriétaire est occupant et chaque individu ne peut être propriétaire que d'un seul logement. S'il veut une résidence secondaire, il la loue. Il en est de même des terres et des terrains.

L'héritage ne vient à l'idée de personne. Aucun enfant ne se pense de droit sur la possession de sa mère, étant donné qu'il n'a rien fait pour son acquisition. Aucune mère ne se met en tête d'accumuler des biens pour les transmettre. Je vous laisse imaginer les heureuses conséquences sur les familles!!

 

Donc d ans mon rêve bleu nuit, je déménage. Pour que tu aies plus d'espace, un coin où planter des pieds de vignes et des rosiers, des arbres. J'aménage ma vie pour toi, et c'est avec bonheur. Je m'adapte, je grandis. J'apprends à bien me tenir, à serrer les mains aux notables avec neutralité et bienveillance, à supporter de parler avec des encravattés, à faire semblant d'écouter leurs discours et d'apprécier les petits fours. Je fais des choses que je n'ai jamais faites, je porte des fleurs au monument. J'aime être la goutte d'huile qui facilite les choses comme d'autres aiment être le grain de sable qui les complique.

 

Dans mon monde idéal, aucun pouvoir ne trouble les relations humaines. Toute fonction est devoir et service, don et altruisme. Aucun rôle n'apporte de privilège. Au contraire, le chef, le président, le maire, sont les derniers servis, les premiers à se sacrifier au bien du plus grand nombre, à la cause commune. Aux élections les choix vont de préférence vers les discrets, les sobres et les modestes, dont on sait qu'ils feront un grand travail de fond, même s'ils bafouillent au moment d'en rendre compte. D'ailleurs, on évalue leur travail aux résultats, non aux discours. Et tant pis pour les petits fours!

À suivre...  ?

 

 

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Accepter de partir



Ignorer le coq qui chantera demain
Laisser au sol la dernière pomme
Au champ, ne pas voir la prochaine récolte

Et accepter de partir


Quand le village ta raison déserte
Qu'aux ruelles vides s'éteignent tes lumières
Que ta conscience n'est plus qu’obsédant hululement
Et qu'aboiements de chiens errants l'assaillent

Au delà du chagrin que provoqua ton départ
Tu l'as  préféré aux soucis que l'on donne
Lorsque l'on se croit devenu trop lourd, trop absent
Que l’on n'est plus ni soi ni personne.

Accepter de partir.
Le souhaiter même
Dans un ultime vouloir
D'une lucidité déjà sur le départ.

  

23 et 25 octobre 2008     

à J-M.F     

 

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RPI

 

 

Ville rose à feu et à sang dans les ors du couchant. Couvre feu. Les camions de soldats sillonnent les rues désertes. La caserne referme ses portes aux malheureux, après avoir distribué à chaque crève-la-faim une assiette de soupe au potiron. Chacun a rejoint son carton, son bidon, son taudis.

Seule, devant la grille du régiment, une jeune femme attend. Le chef du régiment de para, elle ignore le nom des grades, est mélomane. Chaque soir il fait venir, pour lui et son état major, les meilleurs musiciens. Ce soir il fait doux. Une douce soirée d'été indien. Malgré le couvre feu, la contrebasse et la viole de gambe s'installent sur la place d'arme. Accrochée à la grille, son assiette de soupe bien léchée encore en main, elle les regarde prendre place.

 Les soldats sont dans leurs cellules. Enfin, ceux du régiment de para et d'infanterie, car d'autres veillent sur la ville et sur l'application du couvre feu pour garantir l'ordre urbain et juguler les émeutes de la faim.

 Lorsqu'une soldate qui rentre de mission passe la porte après l'heure, la jeune femme l'implore: « laissez moi entrer, je n'ai plus où aller ». La soldate, sans doute gradée, lui répond qu'alors il lui faudra se plier aux règles militaires, s'enrôler. Beaucoup le choisissent comme solution, le gîte et le couvert, et en échange veiller à ce que les autres pauvres ne bougent pas. « Non, merci bien, je vais rester là ».

 Le concert commence, les officiers à l'abri, la place d'arme déserte résonne sous l'action des archets.

Partie de Rameau, Couperin, Marin Marais et Sainte Colombe la petite formation remonte le temps à mesure que la nuit avance. Elle reconnaît les morceaux, oublie la guerre et la faim. La danse de la vie brève de l'argentin Manuel De Falla, l'entraîne à travers l'espace et le temps vers d'autres crises, d'autres miséreux, elle n'est plus seule, ils sont des millions.

Venu du bout de la rue, le moteur d'un camion trouble l'harmonie de sa basse discordante. Bal en fa dièse mineur, c'est d'abord dans les yeux des musiciens qu'elle  voit « la mort des hommes », elle ne se  retourne pas, fixe le ballet ininterrompu des archets et des doigts sur les cordes. Le camion sans bâche rempli de soldats passe à l'aplomb du portail du RPI, tire sur cette ombre suspecte et illégale.

Cramponnée à la grille elle mettra du temps à tomber. Son assiette vide chute avant elle, roule, tourne sur place en toupie un instant, avant de se briser dans le caniveau.

 

Dimanche 26 octobre 2008     

 

 

 

sons:

 *Sainte Colombe, « les pleurs » avt 1701

 * La vida breve (La Vie brève) par Manuel de Falla en 1904-1905

  *Ballo in fa diesis minore « je suis la mort des hommes », Angelo Branduardi 1982

 

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Le chemin de la carrière

E15 sur 10 mots imposés (cimetière, âme, chrysanthème, messe, oraison, funérailles, paix, souvenir, tombe, mort) et le thème de la toussaint:

 

C'est le chemin en face du cimetière, à gauche en sortant du village. C'est là que je  veux aller chercher en silence l'apaisement de mon âme, en tournant le dos aux chrysanthèmes dérisoires.

Je quitte discrètement l'attroupement des funérailles et me dirige à pas confiants vers la paix de mes souvenirs.

Mais ce que tu m’avais dit était vrai. Longeant une ancienne carrière abandonnée, ce chemin était dangereux. Oh raison, cette énorme pierre voulait te donner!!

Assommée, je tombe, et te rejoins dans la mort.

 

Claire, 2 novembre 2008       

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C'est ainsi...

 

Elle se tient debout devant lui, saisit ses mains pour qu'il cesse de l'étreindre et qu'il l'écoute mieux.

Toute l'énergie de son corps au service du reflux de ses larmes, parce qu'il l'aime forte, ou plutôt elle pense qu'il l'aime forte. Elle dit enfin, articulant difficilement dans un demi-sourire un peu trop crispé:

 

C'est ainsi... Je sais maintenant que je ne serai jamais à toi pour la vie, le labeur, le quotidien, mais c'est un bon moyen pour que jamais je ne me lasse de toi. Jamais rassasiée, mon esprit toujours en désir, tendu du manque de toi, je ne pense qu'à toi. La passion toujours attisée, cet élan vers toi et toi seul, cette tension occupe mes jours et mes rêves. Je peux vivre avec cette douleur silencieuse au cœur, qui le fatigue et l'use. Je peux le malmener, c'est sans importance, il a trop d'avance. Je peux t'aimer ainsi, sans y poser de conditions, mais peut être pas toujours sans larmes.

 

Il la rapproche de lui, maintient sa tête contre son épaule et la laisse pleurer sans un mot ces larmes trop longtemps retenues. D'être enfin acceptées elles tarissent lentement, laissant un grand vide disponible pour accueillir l'amour qu'il n'a jamais cessé de lui donner, l'aimant telle qu'elle est, sans conditions.

 

Merci.

 Claire, 11 et 12 novembre 2008              

 

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Carnet d'adresse

  

Après un long séjour à l'hôpital, l'écrivain Sidney Orr reprend goût à la vie.
Mais il est accablé par l'ampleur de ses dettes et par l'angoisse de ne pas retrouver l'inspiration. Un matin, il découvre une nouvelle papeterie au charme irrésistible. Il entre, attiré par un étrange carnet bleu. Le soir même, dans un état second, Sidney commence à écrire dans ce carnet une captivante histoire qui dépasse vite ses espérances. Sans qu'il devine où elle va le conduire, ni que le réel lui réserve les plus dangereuses surprises.
Virtuosité, puissance narrative, défi réciproque de l'improvisation et de la maîtrise : La Nuit de l'oracle précipite le lecteur au cœur des obsessions austériennes, dans un face à face entre fiction et destin. Comme si l'imaginaire n'était rien d'autre que le déroulement du temps avant la mort. Ou pire encore, son origine.

 

Me permettrez-vous, Monsieur Auster, d'imiter votre héros en réécrivant une vingtaine de pages de votre livre? Puisque vous y relatez un des chemins qu'aurait pu prendre ma vie, puisque vous déclarez l'écriture prophétique, je m'autorise à parcourir le chemin inverse, quitte à bousculer tout votre roman. Oh, juste pour moi, je n'ai ni carnet bleu « made in Portugal », ni votre talent, et le but de ceci n'est pas de gagner de l'argent en écrivant, contrairement à votre personnage.

Donc merci, si en écriture j'ai tous les droits que je me donne, je prends celui de changer une virgule à votre scénario.

Sont en jeu Grace, John son amant, et Sid, un homme épris de Grace. Dans votre histoire, John, plus âgé que Grace la persuade qu'il ne peut être son avenir, et l'encourage à faire sa vie avec ce jeune Sid, si gentil, si amoureux d'elle, et qui, elle l'avoue, ne lui est pas indifférent. Oh, s'il savait en lui conseillant cela comme vous allez rapidement lui donner raison, Monsieur l'écrivain, l'encouragerait-il dans cette voie, ou profiterait-il du temps qui lui reste pour l'aimer autant qu'il le peut?

Lorsque Sid tombe malade, (ah oui, je le dis souvent, ce ne sont pas forcément les plus âgés les plus menacés!), très gravement, au point que les médecins le donnent pour perdu, Grace trouve consolation et affection auprès de son ancien amant. Il la console si bien qu'elle attend un enfant. Sid, miraculeusement guéri, elle hésite, ne sachant qui est le père, puis décide de garder l'enfant. A la fin, après bien des péripéties, John meurt, à 57 ans, d'une embolie due à une phlébite qu'il a négligé de soigner.

Donc je m'appelle Grace, mais moi je ne suis pas obéissante, première digression. Je refuse l'injonction de John, je lui déclare n'avoir envie que de lui, je lui reste fidèle même dans ses périodes de repli où il me fait passer au second plan. Emu, ou sécurisé, ou simplement parce qu'il en a envie lui aussi, au fil des années il me délaisse de moins en moins souvent pour cause de remords. Non il ne gâche pas ma vie, et je le lui prouve haut et fort en la vivant ma vie! De l'énergie d'être aimée nait le changement, je deviens épanouie, autonome et responsable, heureuse.

Bon, ce chemin évacue Sid, bien embêtant, c'est votre personnage principal! Qu'à cela ne tienne, vous pourriez raconter sa vie en parallèle. Econduit, il écrit des débuts d'histoires dans un carnet bleu, puis enferme chacun de ses personnages dans des situations inextricables et les laisse en plan, comme il l'est lui. Il attend, sans le savoir, les 57 ans de John, et n'aura à  attendre que 3 ans.

Mais mon cœur se serre Monsieur Auster, et je ne peux accepter ce scénario non plus, même si je suis consciente qu'il fait partie des possibles. Aurais-je droit à une seconde digression s'il vous plait? Ah? Tous les droits que je veux? Bon, alors John ne néglige pas de soigner sa phlébite et ne meurt pas si tôt, il accepte même un beau jour, de privilégier le présent et de vivre avec moi. TOUS LES DROITS on a dit!!  Ce n'est que de l'écriture, du rêve, de l'imaginaire après tout...

Et Sid? Sid? Qui c'est Sid? Connais pas. Je lui ai dit une fois que ma vie avait un autre soleil que lui, s'il ne comprend pas, tant pis. Et puis, peut on vraiment faire confiance à un écrivain qui détruit le carnet où il a écrit  de peur que ses histoires se réalisent?

Ça change toute votre histoire? Excusez moi, Monsieur Auster, je n'y touche plus, je vous la laisse, et je retourne à la mienne, à ma vie. Je n'ai pas votre adresse pour construire des histoires, ni de carnet bleu portugais ou ce qu'on écrit devient réalité, mais si des fois, ou une seule fois, par hasard, les rêves que j'écris pouvaient prendre vie...

 

Claire, 22 novembre 2008           

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Juste le temps d'un frisson

 

Je passe

coincé entre deux obligations

fugace

juste le temps d'un frisson

je passe.

 

Toucher ta peau

regarder ton corps

échanger un instant

oublier les tourments

et repartir

 

Atteindre ton cœur

espérer ton bonheur

rêver ta vie

te dire l'envie

et m'en aller

 

Je passe...

 

Lorsque tu rêves trop fort

d'un toujours, d'un encore,

je dis c'est impossible

lorsque tu dis avenir

et café partagé

je réponds:

je dois partir

 

Je passe...

 

Tu dis que je suis ta vie

ton bonheur, ton élan

mais peut-on vivre ainsi

juste le temps d'un frisson?

Tu réponds que je colore

toute ton existence

que des moments frissons

tu crées la persistance

que tu sais me voir là

au delà de mes absences

et je te crois

 

Alors,

je passe

coincé entre deux obligations

fugace

juste le temps d'un frisson

je passe.

Et je t'aime pourtant

tout le temps.

 

Claire, 6 décembre 2008 10h45      

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Il y a du monde autour de toi

 

Il y a du monde autour de toi

je ne vais pas te faire rougir

seulement profiter de ta voix

sans te dire mes désirs

ni te demander embrasse-moi

fais-moi crier de plaisir

D'ailleurs,

Je ne demande jamais rien

ni même si tu m'aimes ou pas

je préfère suivre l'offre de tes mains

et de ton amour je ne doute pas

J'aime pouvoir te dire « à demain »

mais je sais qu'après demain viendra

 

Tu sais soigner mes bleus à l'âme

de tes mots chauds et amoureux

de tes caresses tu me fais femme

ton regard rend mes jours heureux

pourquoi alors faire des drames

et t'imposer mes « je veux »?

 

Pour être à toi tout en douceur

je respecte tes choix de vie

je ne veux pas bousculer ton cœur

avec mes rêves, mes envies

je cherche avant tout ton bonheur

en t'aimant, j'aime ta vie aussi

Tu sais, je crains aussi parfois

s'il te fallait faire un choix cruel

qu'il ne porte pas sur moi.

C'est si souvent que les infidèles

se résignent en fin à la loi

et sacrifient leur amour rebelle

Alors,

en équilibre sur cette corde raide

comme sur le fil du téléphone

pour ma cause je ne plaide

même si en moi, désir résonne

 

et quand mon cœur t'appelle à l'aide

j'écris ces mots et, ultime liberté,

je te les donne.

 

16 décembre 2008

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Résignations 2

 

Quant au matin la neige eut recouvert le palmier du jardin, j'ouvris la porte en silence. Il faisait froid, mais j'étais déterminée, quelques soient les obstacles, je partais. Pour ne pas réveiller mon époux en cherchant des vêtements dans l'armoire, j'avais attrapé un pantalon de ma fille sur le fil à linge, un taille basse. Je marchais vite, autant pour augmenter la distance entre lui et moi que pour lutter contre le refroidissement. Je sentais mes hanches serrées dans le jean, ça me donnait une impression nouvelle de jeunesse, de liberté, j'étais euphorique. Hier soir encore, mon époux avait voulu exiger son dû, sans méchanceté, juste parce que c'est ce que doivent partager mari et femme. J'avais essayé de m'y soustraire, sans succès. Et quand après, j'étais descendue pleurer dans la cuisine, ma mère n'avais rien trouvé de mieux que de le soutenir. C'était « la goutte » d'eau qui m'avait décidée.

En m'enfuyant ainsi à toutes jambes, je fixais le gravier du chemin et le décor auquel j'étais indifférente, les arbres, les maisons, défilaient de chaque coté de mes tempes. J'arrivais à une sensation de vitesse en marchant. J'étais comme ivre. De froid, de vitesse, et du bonheur de la délivrance. Où allais-je? Je n'en savais rien, droit devant moi pour l'instant.

Vers lui peut être, irrésistiblement, vers celui que j'aimais, mais il était si loin, arriverais-je à temps?

À temps pour quoi? Quelle limite me fixais-je?

 

Il fut surpris de me voir. Tu arrives d'où? Comment? Viens, il fait froid, ne reste pas là, j'ai les clés. Et il rentra à nouveau, avec moi, dans la mairie dont il venait de sortir, ayant fini sa permanence. Personne ne nous avait vu y rentrer. Avant de me laisser m'expliquer, il m'embrassa avec chaleur. Tu es folle, tout ce chemin, avec ce temps, tu aurais pu faire du stop au moins! Tu es glacée!! Il m'enlaça alors pour me réchauffer. Malgré le chauffage éteint de la mairie en dehors des heures de permanences, ses mains aimantes redonnaient vie à mon corps anesthésié par le froid. Tu as bien fait de venir, tu me manquais... ces mots murmurés me remercièrent des milliers de pas que j'avais fait pour le rejoindre. Juste un instant, on avait juste un instant et nous le savions. Ses caresses se firent rapidement plus intimes et c'est mon âme entière qui s'enflamma, de désir, d'amour. Laisse toi allez, tu peux oser ton plaisir, la locataire est absente, il n'y a personne. L'intimité en sécurité était si rare qu'il n'eut pas à me le dire deux fois, je voulais tout lui donner dans le temps d'un petit retard que son épouse ne relèverait même pas. Tout dire, mes sentiments, mon amour pour lui, mon désir de son bonheur, par le don de mon corps et de mon plaisir.

 

On n'avait pas prévu ça! Nous pensions ressortir de la mairie aussi discrètement que nous y étions entrés, je me serai dirigée vers la gare du village voisin, lui serait rentré chez lui en voiture, personne n'aurait jamais rien su de notre instant volé. Oui mais voilà, il avait oublié, on était le dernier mardi du mois, devant la place de la mairie dix personnes protestaient, immobiles, en silence, contre les centres de rétentions. Dix témoins nous voyaient sortir ensemble de la mairie en dehors des horaires, et sûrement nous avaient entendus. Allaient-ils se taire, faire courir des rumeurs, ou nous dénoncer illico? Il me dit viens, je te ramène chez toi, on réfléchira après. J'avais prévu de lui dire que je n'avais plus de chez moi depuis ce matin, que quoi qu'il en coûte j'avais fuit mon foyer sans retour. Mais suite au choc d'avoir été découverts, je n'avais plus aucun courage, aucune idée claire, je suis montée dans la voiture sans protester.

 

Il m'a laissée à l'angle de ma rue, et est rentré chez lui bien déterminé à attendre les conséquences de notre imprudence. Il n'y en eut jamais aucune, soit que personne n'eut rien dit, soit que personne ne voulut rien savoir. La vie reprit son cours, je descendais toujours dans la cuisine le soir, une fois mon devoir accomplit, mais c'est désormais sans me plaindre que je partageais les insomnies de ma mère. Nous reprîmes nos rendez-vous clandestins, en étant encore plus prudents, et surtout, en n'oubliant plus jamais de nous joindre au cercle de silence le dernier mardi de chaque mois.

 

Mardi 30 décembre 2008          

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Rouge

 

« Une ombre court jusqu’à une maison. Est-ce un homme, une femme ? La lune n’en est qu’au petit déjeuner – croissant - et ne laisse rien dévoiler de l’identité de cette silhouette sombre qui se déplace. L’ombre pénètre dans une petite demeure isolée, là, sur le flan de la colline. A l’intérieur, il ne fait guère plus clair qu’à l’extérieur. Soudain, une lumière, ampoule suspendue au plafond, dénudée de tout abat-jour, s’allume. Plan serré sur deux mains qui se frottent énergiquement sur le dos d’une savonnette. La mousse empêche de voir s’il s’agit de mains fines ou de paluches viriles. Mousse qui prend une dangereuse teinte rosâtre. Est-ce le rouge du froid de la peau qui transperce la spumosité du savon ou autre chose ? »

Ce n'est que lorsque Louise ressort de la cabane, dans le faisceau de la lampe de poche du garde champêtre qu'on pourrait voir de qui il s'agit, mais c'est trop tard, et Gustave lui même, qui pourtant la connaît depuis l'enfance se laisse prendre: « Qui êtes vous, que faites vous là à cette heure de la nuit? » lui demande-t-il en grognant. Non qu'il soit méchant, pas du tout, mais il est surpris, et presque apeuré par cette grande femme, les cheveux rouges écarlates, le bas du visage caché derrière une écharpe blanche, et les yeux maquillés comme pour carnaval, qui sort de sa maison!!

 

Louise ne répond pas, de peur d'être trahie par sa voix, elle aussi elle grogne et bouscule le bonhomme avant de partir en courant vers la forêt du domaine. Gustave ne dira rien, il a bien trop peur de se faire réprimander d'avoir laissé une rôdeuse d'infiltrer et pire, s'échapper impunément. Au matin, quand la disparition de Louise aura été constatée, il laissera les recherches s'orienter vers l'hypothèse du rapt crapuleux, sans raconter ce dont il fut témoin cette nuit.

 

Arrivée devant la brèche qu'elle utilisait déjà enfant, pour aller jouer avec les gamins du village voisin, Louise hésite quand même un peu. Pas si facile de renoncer d'un seul coup à tout  un avenir, à la facilité, à l'argent, et de rompre avec tous, elle a beau ne pas les supporter, ils sont sa famille tout de même!!

 

Elle respire un grand coup et sort de son monde, par le trou dans le mûr de pierres, bien décidée à ne jamais revenir sur ses pas.

 

C'est Florient qui l'a menée là. D'ailleurs, à quelques kilomètres, sur la départementale, Florient et sa mobylette l'attendent. C'était en décembre, pour se rendre à son lycée privé, Louise passait devant le l'établissement de Florient. Ils étaient là, à l'heure où ils auraient du rentrer en cours, tous, bien décidés à exprimer leur mécontentement, et à ne laisser personne rentrer. Blocus. Mais Louise ne connaissait pas encore le mot. Le lendemain ils s'étaient organisés, avaient un brasero pour se réchauffer, buvaient du chocolat chaud dont la bonne odeur tentait Louise, mais elle passait sagement, sans un regard de trop pour ses lycéens qui se conduisaient comme des mendiants et passaient leurs journées de classe dans les rues.

 

Puis un matin, au moment où elle passe devant l'établissement public, repaire de délinquants, comme le disent ses parents, la police  encercle les jeunes manifestants. Et Louise avec. Elle se retrouve bousculée, malmenée par la foule, assommée par des pancartes dont elle ne comprend pas les slogans. En tenant de sortir de l'encerclement elle bouscule Florient. La prenant pour une des leurs en difficulté, il la rattrape par le bras et lui demande: T'es de quel lycée? Elle répond et de proche en proche l'enthousiasme se répand, avant qu'elle n'ait le temps de démentir: « le lycée Sainte Marie est avec nous, on va gagner!! ».

 

Parachutée meneuse avant que Florient ne comprenne sa méprise, le flot des lycéens galvanisés l'a adoptée comme mascotte, lui offre des bonbons, une part de pizza, une tasse de chocolat... Louise ne dit rien et passe la journée avec eux, participe à l'Assemblée Générale qui vote la reconduction du blocus, donne son numéro de portable à Florient, croit reconnaître parmi les ados présents, certains des gamins avec lesquelles elle « s'encanaillait » petite. Le lendemain, sans se poser de questions elle s'arrête à nouveau au  lycée public et cherche du regard Florient.

Tout va bien quelques jours, jusqu'au relevé d'absences. Il va falloir se justifier, expliquer à ses parents l'inexplicable, la trahison de son milieu et de son rang. Louise décide de fuguer. Elle en parle à Florient, désormais son ami. Celui-ci, mûr et modéré essaye de la dissuader, un moment d'engueulade c'est vite passé, les conséquences d'une fugue seront pires... Mais Louise ne veut rien entendre, déterminée. Alors, si  tu es sûre de ton choix... Florient propose de l'aider.

 

Louise s'est procuré de la teinture, rouge, pour masquer ses cheveux blonds, elle s'emmitoufle dans un cache nez, maquille ses yeux outrageusement, enfile un jean et un anorak bon marché comme on n'en porte jamais chez elle, et sort de nuit du château ancestral,  prête à se sauver.

 

Non! Tout ce rouge sur sa peau! Vieux réflexe de bonne éducation, elle ne peut pas sortir comme ça, sans se laver les mains!! Alors au lieu de partir directement, elle court vers la maison du garde forestier, il n'est pas là, normalement c'est l'heure de sa ronde du soir. C'est là que sa rencontre avec Gustave a failli tout faire rater.

 

Heureusement, dans quelques instants, elle retrouvera Florient. Ses rêves portent ses pas, avec lui elle veut découvrir la vie, la vraie, celle des rues et des pavés. Finis les convenances et les mondanités, les bals entre jeunes nobles pour forcer les mariages arrangés, avec celui qu’elle a choisit elle veut vivre l'ivresse et le danger de se battre pour sa dignité. En sortant du chemin de terre elle aperçoit Florient qui l'attend au croisement. En la voyant il lui dit en souriant, ça te va bien tout ce rouge, et comme ça aucun risque qu'on te reconnaisse à la manif demain. Allez viens vite...

 

Merci à  Lucille,     

3 janvier 2009      

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Instant bleu

 

Quand nos corps, ensemble,

au plaisir s'éveillent

Bon jour au matin merveille

qui le toit de neige ensoleille

 

Quand nos pas, aux sentiers dérobés,

trouvent ce chemin pour nous seuls balisé

Bon jour aux pierres repères

qui jalonnent nos vies et leurs mystères

 

Quand nos désirs se résignent

à ne pas voir plus loin que l'horizon

Bon jour au bleu des cieux

volé pour illuminer tes yeux

à l'instant délicieux

 dimanche 11 janvier 2009      

 

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Quadra's blues

 

Avant,

Tu te disais ton temps viendra

qu'un jour, tu aurais ta revanche

que passerait l'âge d'or des sexa.

 

Ils s'accrochent, désespérés aux branches

d'un pouvoir qu'ils ne partagent pas.

Quelques années et seront moins fiers

rentreront leurs ergots

nos coqs sexagénaires

dégonfleront leurs égos

avant de partir en poussière.

 

Pour l'instant,

tirent leurs forces du temps

retraités disponibles,

moralisateurs pénibles,

affirment qu'on peut en faire,

toujours plus et tant et tant,

nous mènent train d'enfer,

de réunions en contretemps,

sans respects pour les heures

contraintes, incompressibles,

que nous passons au labeur.

Finançons avec solidarité leurs retraites

sur nos maigres contrats

quand on sait que pour nos têtes

retraite ne sonnera pas.

 

Jusqu'à la mort nous bosserons

prématurément usés

par la crise et le travail

point d'âge d'or aurons

nous sortirons de la précarité

pour tomber en dépendance.

 

Génération quadra

n'aura pas eu sa chance.

 

15 mars 2009

 

Qu'il me soit permis d'être dure parfois,

autant que la vie l'est avec moi.

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Passeurs de rêves

  

Il est une fois...

dans la jungle urbaine, une espèce particulièrement féroce d'abeilles. Industrieuses et infatigables, une fois qu'elles vous ont piqués, il n'est plus possible de rêver.

 

Privés de rêves, les citoyens deviennent mous et apathiques, ils se laissent mener, plus rien ne les fait vibrer, plus aucune passion ne les motive. Ils sombrent petit à petit dans l'aigreur et la morosité, à moins de s'abrutir toujours dans une somme de travail de plus en plus importante pour oublier qu'ils ne rêvent plus leur vie et leur avenir. Plus aucune utopie, plus aucune solution ne naît de leur difficultés, ils n'ont comme recours que la soumission, l'adaptation, ou, en dernier ressort, le suicide.

 

Le processus est quasi irréversible. À moins de voler aux abeilles leur nectar antidote: un peu de ce précieux miel qu'elles défendent avec ardeur, il est impossible de revenir en arrière: plus jamais vous ne pourrez rêver.

 

Voilà donc un groupe de travailleurs acharnés en quête de l'antidote-douceur. Menés par un chef apiculteur des plus rêveur, à qui l'impossible ne fait pas peur: JiM est son nom.

 

Je fais partie de l'équipage, un regard double sur ce qui se passe. Anciennement contaminée, j'ai déjà fait le pèlerinage aux ruches, mais je fais de fréquentes rechutes, et lorsque je me laisse aller à crever sous la tâche, vite, j'appelle JiM pour qu'il m'embarque avec la prochaine équipe.

 

JiM parle peu, le silence est sa force. Dans le silence tout reste possible, imaginable, rêvable. C'est d'abord en nous confrontant à notre silence intérieur que JiM fait de ce périple un voyage initiatique. Petit à petit, le silence laisse une place aux rêves. Si JiM parle, c'est uniquement pour raconter des rêves, des histoires, ou décrire la poésie d'un lieu ou d'une situation.

 

L'entreprise est dangereuse, nombre de stagiaires se font piquer en tentant de récolter le miel, ce qui aggrave leurs symptômes, leur quête de la douceur tourne alors à l'aigre, et tout est à recommencer. Car bien sur, tout altruiste que l'on soit, donner du miel ne sert à rien, pour guérir il faut goûter celui qu'on a soi même dérobé aux abeilles. Sinon... imaginez le commerce qui se serait mis en place, et les contre-indications instaurées, de façon à contrôler une masse laborieuse et à limiter l'usage du rêve aux seuls possesseurs de cette planète!

 

JiM a de plus en plus de travail, les listes d'attentes pour ses stages, gratuits bien entendus, s'allongent. Pour le dédommager, chacun donne de lui même, du temps, un objet usuel, de quoi manger ou se chauffer, ou bien, ce qu'il préfère de loin: un rêve, qu'il puisse ranger dans sa collection. Lorsque quelqu'un lui raconte un rêve, il est heureux. Un de sauvé pense t-il, une étincelle d'humanité préservée. Il espère qu'elle se propage, que chacun apprenne à rêver à ceux qu'il aime.

 

Des jours que nous marchons sous la conduite de JiM. Les ruchers ne sont pas si loin, mais je le soupçonne de nous faire prendre des détours quand il ne nous sent pas assez mûrs pour affronter nos rêves. En chemin certains craquent, désespèrent: jamais nous n'y arriveront, finalement, autant utiliser nos énergies à nous soumettre à ce qui est, que de courir après nos rêves. À ces lamentations, JiM jamais ne répond, mais dans les heures qui suivent il trouve toujours les mots de la persévérance et du courage, en racontant une histoire, en usant d'une métaphore. Et toute la troupe reprend la route.

 

Nous approchons du but. JiM nous donne une dernière recommandation: les abeilles sentent nos doutes, notre peur, cela nous fait sécréter une odeur qui les alerte et les incite à piquer. Il faut donc attendre d'avoir confiance en nous même, d'être sûrs de nous pour approcher les ruches. Nous y allons dans le secret de la nuit, vers 4 heures du matin, à l'heure des rêves d'avenir, un par un, la conquête des rêves est un combat personnel.

 

J'attends plusieurs nuits avant de me lancer. Les fois précédentes, juste au moment où j'arrivais à boire un peu de miel, une abeille était parvenue à me repiquer. D'où mon état intermédiaire, fait d'alternance de rêves fous et de profonds désespoirs.

 

Cette fois-ci je suis dans un état d'esprit différent, j'approche la ruche sans enjeu, sans chercher à réussir, juste portée par ce désir: approcher la douceur du miel. J'ai choisi une nuit sans lune, j'y vais presque à tâtons, presque en rampant, presque animal. JiM nous a appris comment prendre du miel dans une alvéole sans réveiller les abeilles. Enfin, je lèche mon doigt sucré et j'attends quelques secondes avant de me relever sans geste précipité. Je rejoints le campement sans me faire piquer.

 

À l'entrée du campement JiM m'attend, le regard tourné vers les étoiles, il me dit: -je savais que tu y arriverais, j'ai deux secrets à te délivrer mais avant tout regarde les étoiles, chacune est le rêve qu'a fait un humain, il y en a une infinité, elles nous survivent, mais elles finissent un jour par mourir. Si les humains ne rêvent plus, à terme, il n'y aura plus d'étoile. Mais venons-en aux secrets maintenant: tout d'abord, ce miel n'a rien de spécial, c'est la lutte que vous menez pour y arriver qui lui confère ses vertus thérapeutiques. -Je m'en doutais lui répondis-je. -Ensuite, voilà, ce voyage est mon dernier, je vais rester ici, dans la montagne et je n'irai pas chercher un autre groupe de curistes; par contre toi, tu vas prendre ma place.

 

-Pourquoi moi?

-Parce que je sais que par tes erreurs tu as beaucoup appris, et que maintenant tu en es capable, j'attendais ce moment depuis pas mal de temps déjà. Pour eux, pour tous ceux qui ne savent plus rêver, il faut que tu acceptes, tu n'as pas le choix.

 

Bien sur que si, j'ai le choix, et JiM le sais bien, je lui demande de me laisser la fin de la nuit pour en décider.

-Au lever du soleil, je te donnerai ma réponse, laisse moi quelques heures pour rêver en toute insouciance, s'il te plait.

 

J'ai le choix et  j'accepte, malgré les difficultés de la tâche et le fait que cela implique de rentrer en résistance, en divergence. Au matin, au moment de repartir avec le groupe, je dis à JiM:

-Puis-je te confier moi aussi mon rêve? Celui que je n'ai jamais osé t'avouer: mon désir de partager ta vie.

-Oui, je sais, mais je suis aussi inaccessible que le miel dans la ruche, toutefois, peut être, un jour, un hasard... Courage, on ne rêve jamais en vain, je serai toujours là, dans la montagne, et je te promets une nuit à chaque fois que tu amèneras ici un groupe de pèlerins.

 

***

 

J'ai donc repris la route à la tête de la troupe, mais cette fois pour retourner vers nos vies, nos obligations, nos familles et notre travail. Chaque matin, nous nous racontions les vrais rêves de la nuit; puis au fil des jours, nos rêves de vie, nos espoirs insensés. Nous nous écoutions, sans jamais juger, sans jamais dénigrer le rêve de l'autre, aussi fou soit-il. Et c'est à un jour de marche de la ville que l'un de nous a dit:

-mais après tout, cette histoire d'abeilles, je crois bien que ça n'existe pas plus que les vertus du miel!! Ce sont nous, nos contraintes, nos chefs, nos éducateurs qui nous ont fait croire à cette légende, il faut répandre partout la vérité et dire que ce n'était qu'un cauchemar, que les rêves sont en nous, à portée de chacun, qu'il suffit de leur ouvrir notre esprit et notre cœur!!

 

JiM croyait farouchement à cette histoire d'abeilles mutantes empoisonneuses, ou peut-être feignait-il d'y croire, pouvait-on ainsi bousculer les croyances de base de notre société?  Nous avons réfléchi, discuté, pesé le pour et le contre, et décidé: notre groupe allait maintenant essaimer partout l'espoir et le rêve. Partout sur nos lieux de vie nous dirions la force vive des rêves, et chasserions le cauchemar des abeilles hard-workeuses.

 

On a continué les pèlerinages aux ruchers, d'abord parce que certains ont besoin de temps forts pour se ressourcer, se retrouver en lâchant tout quelques temps; ensuite, parce que c'est mon seul moyen de voir JiM de temps en temps. Lorsque j'aurai fini ma mission dans cette ville, j'irai le rejoindre, et j'attendrai près de lui ce hasard dont-il parlait, celui qui me permettrait de vivre mon rêve: partager sa vie, enfin. Tant pis si entre-temps nous sommes devenus vieux.

 

 

19 mars 2009

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Camarade

 Sur 10 mots: Bec, abîme, clé, dé, élastique, guêtre, latte, meule, rustique, trombone.

  

Heureuse ce soir que rien n'ait assombri ton regard,

me donneras-tu un jour la clé pour arriver jusqu'à toi?

La vie, à coup de dés, joue notre chance et nos déboires,

m’offriras-tu un royaume, dont tu ne cesseras jamais d'être Roi?

 

Avant que la camarde nous cloue définitivement le bec,

je veux te demander si tu viendrais vivre en mon pays rustique,

même si mon escarcelle n'est pleine que de boutons de guêtre.

 

Mais dépêche toi Ami, le temps n'est élastique

tu peux rejouer cet air au trombone à coulisse,

Chronos meule nos vies, croie moi, rien ne glisse,

nous dormirons, c'est demain, entre les lattes d'une boîte,

où il sera trop tard pour rêver nuit ensemble.

 

1er avril 2009   

 

 

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L'horizon, tu le vois, là bas?

 

Nous marchions, comme des collégiens, main dans la main, tout au bonheur de ce temps ensemble, d'autant plus beau qu’inespéré.

D'est en ouest, nos ombres derrière nous projetées, nous n'avions plus peur, nous pouvions avancer, confiants, vers la nuit. Nous avions, résignés, tout accepté: la vie qui nous séparerait, les longs moments d'absences, la douleur des rêves sans espoir. Avec la frontière des possibles et ses dangers nous flirtions, au rythme de nos pas et de nos mots donnés comme autant de trésors.

Une nuit, une seule, au sommet. C'est le cadeau que nous nous offririons. Une journée de marche, à l'image de nos vies en mouvement, pour mériter le bonheur d'une nuit commune. Puis retourner à nos réalités.

Nous avons longuement regardé le soleil se coucher derrière les monts, puis nous avons rejoint un abri pour la nuit. Comment donner en une seule nuit l'amour qui nous brûlait depuis si longtemps à longueur de jours? La fatigue de la journée avait sensibilisé nos corps, nous nous sommes aimés comme on rêve, abandonnés au plaisir de l'autre et nous nous sommes endormis intimement liés.

Au matin il m'a tirée de l'abri: viens voir pourquoi je t'ai menée ici, regarde, retourne toi. À l'est le soleil se levait sur l'eau. C'est là bas que je suis né m'a t-il dit pointant l'horizon. En silence, enlacés, nous avons laissé le soleil monter dans le ciel. Des larmes coulèrent du bleu de ses yeux, je n'ai rien dit mais l'ai serré un peu plus fort contre moi.

Quand il a reprit la parole, sa voix avait changée, elle était grave comme la vie et ses réalités.

Il me dit: je pensais te laisser là, te dire de continuer vers le couchant, et moi suivre mon retour aux origines; mais ce matin je ne suis pas prêt, s'il te plait, m'accorderais-tu encore une journée et une nuit?

D'abri en abri, de levant en levant, chaque matin demande renouvelée, nous sommes arrivés à l'océan. Et maintenant? Lui ai-je demandé. Maintenant? Il me reste une mer à traverser, je fais demi-tour !

Permettrais-tu que je t'accompagne?

Oui je pouvais tout laisser, abandonner ma vie pour quelques pas avec lui, sur son chemin. Voilà comment nous nous sommes retrouvés à remonter le temps, chaque jour les souvenirs à rebours nous rapprochaient de son énigme. J'étais là, discrète, silencieuse, amoureuse, mon désir chaque aube réaffirmé, en réponse à sa question quotidienne: m'accorderais tu encore une journée? Je voyais quand ses yeux se fermaient sur un bonheur passé ou sur une douleur. J'étais là, respectueuse de ses pensées, le silence était dense.

Nous sommes arrivés à la mer.

Il m'a regardée, a pris mes mains. J'ai parlé la première: « vas maintenant, merci, tu m'as beaucoup donné, maintenant occupe toi de toi. ». Il a regardé l'horizon d'où le soleil émergeait, j'avais fait quelque pas en arrière, pour mettre en acte mes mots, il s'est retourné:

Non, là bas sont mes racines, une partie de mes origines, les mystères et les guerres, la mer m'en sépare comme ma mère m'en a protégé. Ici j'ai grandi, j'ai vieilli, et tu es là... à chaque soleil levé.

 

6 avril 2009

 

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à nos soirs


Je n'aurai pas connu tes vingts ans

je ne t'aurai pas vu

jouer du violon en bondissant

ni avoir au bout de mille mètres

l'énergie d'être le premier

 

Je n'aurai qu’aperçu, furtivement,

une photo d’il y a dix ans

sur laquelle déjà tu étais plus âgé que moi.

Je n'aurai eu de toi les réveils fantastiques

de la puissance de tes rêves je n'ai fait connaissance

 

Mais je connais de toi la douceur du temps

la sagesse qui aime la vie telle qu'elle est

le regard beau porté même sur ce qui ne l'est pas forcément

la sensibilité attentive à chaque instant

 

Je connais ta patience à m'aimer à mon rythme

sans brusquer le frêle oiseau qui avait peur de tout

la force de ta main qui m'a remise debout

en me poussant doucement vers notre chemin

 

Je connais la force de ta vie

la beauté des peuples aimés

et le souvenir des paysages

dont je trouve encore poussière de chemin

en caressant tes cheveux de ma main

 

Par un seul sourire de tes yeux

Tu m'offres ce soleil qui chauffa d'autres cieux

Tu me chantes l'amour de la vie et des rencontres

Et me montres l'étoile qui nourrit mes rêves

 

Je n'aurai pas connu tes matins, tes midis

mais je n'aurai pas assez de soirées, de nuits,

pour te remercier de m'avoir un jour retenue

alors que j’aurais pu n'être qu'une passante dans ta vie.

 

6 avril 2009            

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Vallée frontière

   

J'avais toujours vu le monde comme ça: partagé par deux types de frontières, les frontières de plaine et celles de montagne.

  Les frontières de plaine nécessitent barbelés, miradors, soldats et chiens policiers. On ne peut pas ne pas les remarquer, les franchir est impossible.

 Les frontières de montagne sont plus discrètes, passent aux sommets de monts ciselés, de façon naturellement inaccessibles. Le danger est dans la plaine, quand d'un coté et de l'autre rodent les douaniers.

  Mais cette vision du monde était mensonge, il existait des frontières qui permettent de passer en douceur d'un pays à l'autre, sans s'en rendre compte, et je venais d'en avoir la preuve.

 J'étais occupée à cueillir les mots que mon poète me donnait. Les yeux fixés sur l'horizon, nous l'avons traversée sans la voir.

  Nous suivions la rivière, dans la nuée blanche du matin, plus nous avancions, plus je me sentais femme dans ses mots, dans ses yeux, et plus j'aimais la vie avec ferveur.

  Les douaniers, l'auraient appelée Achéron et nous auraient voués à l'enfer. Elle n'était que Garonne qui, remontée de Comminges en Val d'Aran, menait nos sentiments de l’impossible réalité à l'infini de nos rêves.

 

  11 avril 2009      

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A quoi ça sert?

 

A quoi ça sert tout ça?

Toute cette agitation,

ces heures à trimer,

pour essayer en vain de changer

ce monde et de la rendre meilleur

 

Si c'est pour se faire engueuler

entre nous ne même pas réussir la douceur

d'une micro société d'harmonie et de respect?

 

A quoi ça sert tout ça?

Tout ce papier pour démontrer

que le monde a besoin d'autres valeurs

si c'est pour ne même pas l'appliquer

dans nos groupes et d'un rien alimenter les rancœurs?

 

A quoi ça sert tout ça?

Si dès qu'on a une bribe de pouvoir

c'est pour faire trembler

le plus timide, le dernier arrivé,

et les plus jeunes les humilier?

 

Ne pouvions-nous être laboratoire

d'échanges non-violents, dans le respect et la liberté,

des différences, des imaginations?

 

Sinon, à quoi ça sert tout ça,

si c'est pour être comme partout,

comme ailleurs formatés?

 

Parce que, Camarades, faut pas rêver!

Les puissants on ne les battra jamais,

c'est entre nous qu'il faut créer,

un autre monde, Ici! Maintenant!

 

15-16 avril 2009   

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Voyages sur l'île Terre

 


J'ai passé la mer
dans un sens, dans l'autre
je pourrais, amère,
revenir déçue vers nos côtes
de n'avoir aucun lieu sur l'île Terre
où mon rêve pourrait être l'hôte


J'ai décidé alors d'aimer la traversée
et de chaque rayon de bonheur profiter
d'autant plus fort qu'ils sont rares
et que la vie se comporte en avare.


Avec Toi, notre bonheur construire,
non pas comme but à atteindre
trouver notre joie dans l'acte même de bâtir
et l'issue de la traversée ne jamais craindre:


il n'y aura pas de chute,
car la Terre entière est une île.
à mon bâtisseur de bonheur,



22 avril 2009     

          

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Lorsque tu reviendras

 

Je t'aime ici et maintenant

mais j'aime que tu aies vécu

partout ailleurs avant.

 

Demain mettra fin à ton voyage

et mes pensées pourront revisiter

le familier de nos paysages.

 

Vue de là haut la terre m'apparut

de bleus et de verts mêlés

quelques tâches de blancs,

des nuages,

quand trop haut je suis montée

pour de trop lointains voyages.

 

Pensées étirées me laissent morcelée

la conscience en miettes à l'entrée de l'été

je nous cherche un abri, une cabane de berger

pour protéger notre amour des regards et des pluies

 

De vivre chaque jour dans l'ombre

d'une montagne sombre

mon espoir ne souffre pas.

 

Mais lorsque tu t'éloignes

te suivant pas à pas

sur le fil de mes pensées

entre deux lieux tendu

se perd ma raison.

 

J'ai besoin du terre à terre de nos sentiers

d'arrêter mon regard sur le bouton d'or

sur l'éclat rouge du coquelicot

et sur l'empreinte rassurante

de nos pas dans la poussière.

 

Si avant moi

vers l'irrémédiable tu t'en vas

toute la force de TES pensées me faudra

pour ne pas dans l'immensité me disperser.

 

Pour dans l'arbre que tu aimes te retrouver

dans le sentier emprunté retrouver ton passage

dans le bleu des cieux revoir ton regard

et pour t'aimer dans les voyages

qu'il me restera à faire:

 

Pour Te retrouver           

 parcourir la Terre.          

 

Auriol/Saint-Gaudens 21 juin 2009           

 

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Certitudes d'août

 

J'attendais l'été,

pour m'abandonner

tout un mois doux

en toute sérénité te retrouver.

 

Oublier pour quelques jours

les "trésors de ruses et de sciences"

qui pimentent notre parcourt,

se laisser aller à l'insouciance

que mérite notre amour.

 

Mais l' été se fait attendre cette année!

 

S'il diffère la quiétude

bouscule nos habitudes,

est-ce pour nous permettre de goûter

le soleil sur nos peaux dénudées?

Est-ce pour laisser le vent nous souffler

des idées de rêves fous réalisés?

 

Hier soir la lune a brillé

pour éclairer tes incertitudes

et m'aider à supporter

l'inévitable solitude.

 

Elle brillera à nouveau ce soir

et dans la chaude nuit d'été

te chantera mon espoir

de faire en ces jours

provisions d'amour

calme pour l'année.

 

Avec ton bonheur en préalable

mes rêves fous deviennent acceptables!

 

Un mois doux.

Surtout pas un mois doute,

qui ne dépend ni des accents ni des contrées

mais de nos seules volontés

et de notre force d'aimer.

 

Je sais que je serai là,

toujours, pour toi,

toujours où tu voudras.

 

4 aout 2009 Lombrès 65,    

Le chemin ne menait    

nulle part ailleurs    

qu'à notre bonheur.   

 

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